Couplet 1 : le contexte général
La Locale Ecolo de Couvin tient à rappeler les éléments qui forgent sa position favorable au développement des énergies renouvelables et, en particulier, à la production d’électricité d’origine éolienne.
Au fil des 150 dernières années, la production d’électricité est devenue un besoin essentiel au bien-être de la population, au même titre que celui d’assurer à chacun une alimentation la plus saine possible, des services de santé performants, des services de soins aux personnes, une gestion des déchets etc.
En 2018, en Belgique, la production totale d’électricité provenait des centrales nucléaires à raison de 39 %, des centrales thermiques à combustibles fossiles (35,4 %), des éoliennes (10,4 %), de la biomasse (8,4 %), des panneaux solaires (5 %) et des turbines hydroélectriques (1,8 %). Vingt-un pour cent de cette électricité sont à usage résidentiel. Le rapport entre énergie renouvelable et non renouvelable est donc à l’heure actuelle d’environ ¼.
En Wallonie, les trois réacteurs nucléaires de Tihange, propriétés d’Electrabel, sont à bout de souffle. Leur arrêt définitif est légalement décidé, en théorie, pour 2023 et 2025. C’est demain !
Sous le joug écrasant du lobby nucléaire de GDF-Suez – troisième groupe mondial en matière d’énergie – dont Electrabel est une des nombreuses filiales, les Gouvernements fédéraux et régionaux qui se sont succédé se sont enfouis la tête dans le sable. Leur immobilisme tient de la manipulation de tous les utilisateurs d’électricité, quelle que soit leur opinion politique. Aucun projet d’envergure n’a été mis en place ou poursuivi, qu’il soit basé sur les énergies renouvelables – indispensables pour réduire les émissions de gaz à effet de serre – ou non renouvelables, sachant qu’un assemblage ou « mix » énergétique est la seule issue réaliste à la sortie du nucléaire.
Mis devant le fait accompli et sous la menace de coupures temporaires de la fourniture en électricité, un besoin essentiel pour rappel, les citoyens devront inexorablement « accepter » le prolongement de certaines unités nucléaires vétustes avec les risques d’accidents et de mises à l’arrêt de celles-ci pour cause de pannes répétées.
La Locale Ecolo invite donc les détracteurs qui s’opposent au déploiement d’éoliennes à proximité de chez eux à réfléchir au fait que, bien malgré eux, leur opposition constitue un soutien indirect au prolongement des centrales nucléaires et à l’ultra-libéralisme qui anime le lobbying et les puissants actionnaires de GDF-Suez !
Presque sûrement reporté par immobilisme politique, le démantèlement des centrales nucléaires restera d’actualité à court voire, au pire, moyen termes. Ce démantèlement est compliqué. Il va durer une trentaine d’années et coûter quelques dizaines de milliards. Le stockage des déchets nucléaires se chiffre aussi à une dizaine de milliards ; il est empreint d’incertitudes pour les générations futures et couvre de très longues périodes (des centaines et des milliers d’années). La rentabilité de la mise en œuvre de nouvelles unités nucléaires n’est pas du tout assurée. Le recours à de nouvelles sources d’énergie renouvelables (éolien, solaire, hydraulique, biomasse, géothermie…) ou non renouvelables (gaz, pétrole, charbon…) est donc inéluctable. L’inconvénient majeur des éoliennes est l’intermittence et l’irrégularité de leur production d’électricité. Un approvisionnement sûr en ce besoin essentiel ne peut donc être assuré que par un mix énergétique combinant les différentes sources d’énergie, de préférence renouvelables, compte tenu des contraintes climatiques.
En conclusion, Ecolo Couvin revendique la fermeture des centrales nucléaires le plus rapidement possible, leur ralentissement autant que faire se peut lorsque les sources d’énergies renouvelables et les éoliennes, en particulier, fournissent beaucoup d’électricité (c’est l’inverse qui apparemment se passe actuellement au détriment du « climat »), la mise en place par les autorités d’une stratégie qui équilibre la production irrégulière d’électricité d’origine éolienne avec les autres sources d’énergie, renouvelables de préférence.
Couplet 2 : le contexte local
Motivation de la Locale, respect de la démocratie et procédure en cours
La Locale Ecolo de Couvin n’est pas intéressée par le débat polémique en matière énergétique. C’est un frein au changement et à l’appropriation par un maximum de personnes de la complexité d’une telle problématique.
Comme l’indique le contexte général développé plus haut, sa motivation est loin d’être financière. Son premier objectif est d’informer le plus objectivement possible sur les tenants et aboutissants d’un projet, sur son opportunité, ses avantages autant que ses inconvénients.
Exposer un point de vue, développer un argumentaire dans le respect des autres sensibilités, nourrir un débat politique est l’essence même de la démocratie. Quelle que soit la représentativité au sein d’un Conseil communal du groupe politique qui émet une opinion (l’arithmétique électorale n’est d’ailleurs pas proportionnelle aux pourcentages de votes exprimés), la rejeter ou vouloir clore le débat politique est un déni de démocratie.
Au contraire d’une attitude qualifiée de « sournoise » par les opposants anti-éoliens du quartier de la Platinerie, il semble à la Locale qu’en période d’incertitude, de crise sanitaire et économique et de « déconfinement », que ce soit un moment plutôt propice pour prendre du recul, s’interroger sur l’avenir et sur ses choix de vie et, le cas échéant, de modifier un comportement individualiste d’un quartier au profit d’une approche plus solidaire, plus globale de l’environnement.
Le recours à un permis refusé en première instance fait partie d’un processus légal. Le rapport remis par le Direction namuroise de la Nature et des Forêts a valeur d’avis au même titre que l’étude d’incidences réalisée sur le projet, qui moyennant, certaines précautions ou conditions d’exploitation des éoliennes, n’a pas identifié d’impact important de celles-ci sur la biodiversité, seule pierre d’achoppement justifiant le refus du permis.
L’étude d’incidences est plus que la rédaction d’un simple avis. Elle a demandé à ses auteurs des investigations approfondies telles qu’enregistrements en continu des émissions des chauves-souris, observations de l’avifaune et de leurs mouvements, etc.
L’objectif assigné à ces deux documents est une aide à la décision pour les autorités administratives ou les Ministres. La décision finale revient ici à deux ministres, celui de l’Aménagement du territoire, le MR Willy Borsus, et celui de l’Environnement et de la Nature, l’ECOLO Céline Tellier, sur base aussi d’autres documents et avis. Sous réserve que leur avis définitif ne soit pas empreint de marchandage ou de favoritisme, les Ministres ont un rôle « noble » d’arbitrage intégrant les multiples enjeux, inconvénients et avantages du projet en ne se focalisant pas sur tel ou tel aspect.
Quid des espèces protégées ?
L’avis du DNF et l’étude d’incidences reprennent notamment une liste d’espèces protégées présentes dans le massif forestier. Cette liste ne constitue pas en soi un argumentaire pertinent sur l’évaluation du degré d’impact de l’installation et de l’exploitation des éoliennes.
En effet, la législation en matière de protection animale est ainsi constituée que, mises à part les espèces gibiers et quelques espèces considérés comme nuisibles mais qui ne le sont pas en réalité mais sont utiles au contraire – le renard – par exemple, tous les animaux vertébrés sont protégés (oiseaux, batraciens, reptiles et mammifères).
Alors qu’ils représentent plus de 90 % de la biomasse et de la biodiversité, les invertébrés et les insectes, en particulier, ne sont sous-représentés que par quelques espèces protégées. Ils constituent pourtant une grande partie de la nourriture des oiseaux.
Des espèces d’oiseaux protégées et rares sont bien sûr présentes à proximité du champ d’éolienne projeté et on peut s’en réjouir. Par exemple, le Pic mar. Cette espèce emblématique vit, niche, se déplace et se nourrit dans la partie haute des boisements de grands chênes. Aussi intéressante soit-elle, cette espèce se tient environ 40 m plus bas que l’extrémité des pales et n’a donc rien à redouter de celles-ci. En termes de compensation, le projet éolien s’engage cependant, au vieillissement, en tant que réserve intégrale, de 13 ha de chênaies…
La Buse variable, qui est une espèce protégée, le plus commun des oiseaux de proie, constitue un bon contre-exemple. La buse est mise en exergue dans l’avis du DNF. C’est une espèce de lisière forestière qui chasse dans les espaces dégagés. La saignée de l’E420 a créé d’immenses talus qui attirent donc inévitablement cette espèce, au sein d’un massif forestier qu’elle n’aurait que fort peu fréquenté auparavant ! La probabilité d’une collision de la Buse avec une future pale d’éolienne a donc été artificiellement augmentée, tout autant d’ailleurs voire davantage qu’avec un véhicule circulant sur l’E420 !
Le Crapaud commun et la Grenouille rousse sont deux espèces protégées de batraciens, communes, identifiées pour le massif forestier. Elles sont mises également en exergue dans l’avis du DNF. Dans les parcelles où s’installeraient les éoliennes, on ne relève pas la présence de lieu de reproduction de ces deux espèces. Par contre, il n’est pas totalement exclu que des individus de ces espèces puissent y poursuivre leur vie discrète, en dehors de la période de reproduction. Le chantier d’abattage lié à l’installation des éoliennes pourrait donc autant que n’importe lequel des travaux forestiers et le piétinement de ses engins mettre à mal l’un ou l’autre individu.
Les espèces d’avifaune plus particulièrement sensibles aux éoliennes sont les grands voiliers tels que le Milan royal et la Cigogne noire, connus en tant que nicheurs dans la région. Le premier n’a pas été mis en évidence, dans les parages des éoliennes, lors de l’étude d’incidences ; la deuxième, a été observée, seulement très peu de fois, à une certaine distance cependant des lieux d’implantation. La probabilité d’une collision entre les éoliennes et ces deux espèces patrimoniales ne peut être exclue mais celle-ci est faible en tout cas.
De manière à favoriser la population de cigognes noires, le projet prévoit d’ailleurs de créer une douzaine de mares dans deux pâtures des environs de Brûly.
Dans la région, les observations beaucoup plus fréquentes de Milans royaux se situent, un peu plus à l’Ouest, à Cul-des-Sarts, là où un autre projet éolien est à l’étude sur la commune de Couvin. Cette fréquentation est liée à la présence sur le territoire français d’une importante décharge et usine de traitement de déchets, à Eteignières. Le Milan royal étant en partie charognard, il y est donc attiré. Dans le cadre de cet autre projet, une attention particulière devrait donc être portée aux lieux de nidification de cet oiseau et à ses déplacements.
Un dernier groupe d’espèces protégées et la plupart menacées sont les chauves-souris. Sur recommandations de l’étude d’incidences, le choix du modèle d’éolienne se portera sur des éoliennes élevées dont l’extrémité des pales tourne à 35 m au-dessus de la canopée (60 m au-dessus de la surface du sol). Ce type d’éolienne minimise les risques de collision avec les chauves-souris. En effet, au cours de l’étude d’incidences, les enregistrements pendant plusieurs mois des ultrasons émis par les chauves-souris ont démontré la très faible fréquentation des chauves-souris à une telle attitude.
Enfin, le projet prévoit un arrêt automatique des éoliennes lorsqu’un faisceau de conditions climatiques entraînent une chasse des chauves-souris à une altitude élevée.
Il est utile aussi de rappeler que les implantations des 6 éoliennes sont prévues dans des plantations d’épicéas qui ont de ce fait perdu une grande partie de leur intérêt biologique.
En conclusion, les compensations et les précautions prises dans ce projet sont donc de nature à minimiser voire annihiler les impacts du projet sur le milieu naturel.
Les différents exemples qui précèdent montrent qu’il faut raison garder lorsque l’on brandit la menace pesant sur des espèces protégées. Il convient donc d’objectiver son argumentaire par une analyse plus fouillée des interactions multiples du projet avec le milieu naturel. Une telle analyse circonstanciée porte un nom : l’écologie.
Impact sur les paysages
L’évaluation de l’impact paysager des éoliennes est éminemment d’ordre culturel. Elle dépend du ressenti de l’observateur et de la représentation mentale qu’il s’en fait : hostilité, indifférence ou sympathie.
Les différentes questions à se poser sont les suivantes.
Comment ressentez-vous les énormes panaches de vapeurs d’eau des centrales nucléaires et thermiques ? A distances plus proches, leurs monstrueuses tours de refroidissement (aussi nécessaires dans les modernes centrales Turbine Gaz Vapeur) ? Quel regard portez-vous aux murs démesurés d’un barrage hydraulique ? Quel est votre sentiment quand, venant de Philippeville, vous plongez sur la dépression fagnarde et découvrez l’immense front de la Carrière du Nord que surmonte la frêle éolienne de Frasnes ? Existe-t-il une étude sérieuse, connaissez-vous un cas spécifique qui démontrent la désaffection d’un lieu touristique du fait de la présence d’éoliennes ? Quel lien visuel entre l’écrin de verdure de la Grotte de Neptune et sa Maison de la Forêt et le projet éolien ? Au cours d’un voyage, quelle est votre perception lors de la découverte d’un parc naturel dans lequel les infrastructures liées aux énergies renouvelables assumeraient l’autonomie énergétique de celui-ci ?

Photo montage d’amateur comparant l’éolienne de Frasnes (dimension exagérée) et le panache de la Centrale de Chooz
L’étude d’incidences comporte une série de simulations paysagères. Celle-ci conclut en général à un impact faible du projet sur les paysages.
Trois des éoliennes projetées seront visibles depuis le pont-barrage du Ry de Rome et depuis la berge Est du lac. Les éoliennes émergeront de la canopée ce qui en atténue cependant la présence. Vu la pente boisée, elles ne seront pas visibles depuis la berge Ouest du lac du Ry de Rome. Au cours des balades en forêt, vu la fermeture du milieu, les éoliennes ne seront visibles qu’à leur pied.
Leur prégnance sera la plus forte le long de l’E420 et du côté de la Ferme Capitaine. Le long de l’E420, les vues proches sont déjà cependant fortement dénaturées par l’importance des talus engendrés par le tracé de l’autoroute.
Enfin, les éoliennes projetées étant très élevées, elles seront nécessairement perceptibles de très loin : depuis le plateau de Philippeville et le plateau entre Couvin et Chimay notamment et, de façon plus rapprochée, sous certains angles, depuis l’intérieur de la ville de Couvin.
Et l’effet stroboscopique, le patrimoine de l’Ermitage et le bruit ?
Une fois de plus, il faut dans ces domaines raison garder.
Une explication s’impose au préalable ! Pour faire simple : l’effet stroboscopique, c’est comme une éclipse solaire où la lune serait remplacée par une éolienne qui tourne.
Cet effet peut être gênant s’il se poursuit longtemps et souvent. Il n’est possible que par temps clair du reste. Il est considéré comme faible à plus de 300 à 500 m de distance selon les auteurs (la rue de la Platinerie, par exemple, est à environ 1Km de l’éolienne projetée la plus proche) et, pour des éoliennes puissantes comme celles qui sont prévues car elles tournent lentement.
Par ailleurs, cet effet est nettement plus gênant au soleil levant ou couchant, soit dans les secteurs Nord-Est à Est et, Ouest à Nord-Ouest. En conséquence, mettons de côté, pour des raisons topographiques, de distance et d’orientation, tout impact possible pour les habitants de la rue de la Platinerie. Même chose, pour l’orientation, à l’Ermitage (proche éolienne à plus de 500 m, au Nord). Quant aux promeneurs du lac du Ry de Rome, à 1 Km environ de la rive Est, le « temps d’exposition » sera nécessairement limité et il est bien possible que le soleil ait disparu derrière le versant boisé avant le couchant… Bien que cela ne paraisse en rien nécessaire, suite aux recommandations émises dans l’étude d’incidences, il est quand même prévu un arrêt de l’éolienne de l’effet stroboscopique au-delà de 30 minutes.
L’Ermitage s’inscrit dans une clairière entourée de toutes parts par la forêt, à quelque 500 m au Sud de la plus proche éolienne projetée ; on voit mal dès lors comment ce site patrimonial puisse réellement être affecté par le projet. Par ailleurs, mis à part un étang, jardins et parc du lieu sont orientés Ouest et Sud.
Les éoliennes projetées sont très éloignées de la ville de Couvin et des villages environnant. Des courbes (nécessairement théoriques) de bruit sont présentées dans l’étude d’incidences. Elles montrent que les plus proches habitations (maisons près de l’Ermitage) se situent en dehors des courbes de 30 décibels (bruit équivalent aux chuchotements). D’évidence, le bruit engendré par les éoliennes sera largement couvert par celui émis par l’E420, à proximité de laquelle des niveaux de 60 décibels et plus seront facilement atteints (65 décibels : bruit équivalent à une aspirateur vendu comme silencieux).
Contrairement à ce que l’on pourrait penser, l’absorption du bruit par une forêt feuillue est relativement faible, entre 5 et 20 décibels suivant les fréquences, par 100 m de boisement ; par rapport aux vents dominants qui viennent de l’Ouest, cette absorption ne joue pas pour le trafic de l’E420 enjambant le Ry de Rome. La nuisance liée à ce trafic doit donc être élevée à très élevée pour les habitants du quartier de la Platinerie qui sont à environ 700 m de l’autoroute et, en tout cas, sans commune mesure avec le bruit résiduel de la plus proche éolienne qui est à 1 Km de leur habitation.
En conclusion, Ecolo Couvin estime que les divers avantages de l’installation des éoliennes le long de l’E420 sont nettement plus intéressants que les désagréments que celles-ci pourraient causer.
« Cela vaut bien une chanson »